Katie - Irish Tatler Magazine Juillet 11

Interview Katie McGrath

Katie arrive à notre shoot enveloppée dans un chandail à capuche avec ses longs cheveux noirs dénoués (elle est en fait une blonde naturelle), en jeans serré avec des nuances de dégradé de gris et des bottes fermées recouvertes de feutre, écouteurs de iPod enroulé autour du cou. C'est très loin des robes éthérées dans lesquelles elle passe beaucoup de temps pour son rôle de Morgane, la puissante sorcière tourmentée de la série d'aventure et fantasy, énorme succès de la BBC, Merlin qui en cours de tournage de sa quatrième saison. C'est un rôle qu'elle ne prend pas à la légère. « Elle est l'un des ces archétypes de rôles féminins ; Helen Mirren l'a incarnée (dans le film irlandais Excalibur) ; Helena Bonham-Carter l'a incarnée (en 1998 dans une mini-série télévisée également appelée Merlin) ; tant de gens l'ont jouée que vous vous sentez une responsabilité, parce que beaucoup de personnes qui connaissent les légendes ont des sentiments très forts pour elle. Vous avez envie de faire les choses bien, il y a tant d'exemples de femmes très fortes à travers l'Histoire, elle en a toujours fait partie. Mais ce qui est bien avec la façon dont elle est présentée dans Merlin, c'est qu'elle n'est pas un méchant pur et dur. Et cette saison [la quatrième] est une rupture, c'est beaucoup plus mûr et c'est beaucoup plus sombre, plus « cinématographique », c'est très motivant. Ça a été difficile mais génial. Physiquement, ils l'ont conçue comme cette Jessica Rabbit gothique, et donc elle a de superbes costumes. Les cascades sont géniales également, vous acquérez toutes ces compétences bizarres que vous n'aurez jamais besoin de connaître pour la vie réelle. Je n'aurai jamais besoin de savoir me battre à l'épée, mais je sais le faire !

Mais tout d'abord nous devons discuter de la broutille de travailler avec Madonna sur la seconde réalisation de la reine de la pop (la première était Filth and Wisdom qui a reçu des critiques très mitigées lors de sa sortie en 2008, disparaissant rapidement du box-office). Cette fois-ci les choses semblent prendre une tournure assez différente. W.E. Se focalise sur l'affaire entre le Roi Edward VIII et l'Américaine divorcée Wallis Simpson tout en racontant simultanément la romance contemporaine entre une femme mariée et un garde de la sécurité russe. Comme il a fait l'objet de la Première au Festival du Film de Venise, le film commence à créer tout un émoi avec les somptueux costumes créées par Arianne Phillips, la propre styliste de Madonna et designer de bon nombre de costumes de ses tournées, qui a reçu une nomination aux Oscars pour un costume de Walk the Line et a été designer pour A Single Man de Tom Ford. De plus il y a un casting de stars parmi lesquelles, Andrea Riseborough (Made in Dagenham, Brighton Rock), James D'Arcy (Manfield Park, Secret Diary of a Call Girl), Abbie Cornish, Oscar Issac et les acteurs de dynastie James and Lawrence Fox. Aucune pression alors.

Dedans, McGrath joue le modeste mais significatif rôle de la maîtresse qui a précédé Simpson, qui est à l'origine de la première introduction de la divorcée auprès du Roi. Alors, qu'est-ce que ça fait de travailler pour une icône qui avoue elle-même être 'casse-pieds' ? « Adolescente, je n'ai jamais été la plus grande fan de Madonna », reconnait-elle, « Si je l'avais été et l'avais rencontrée, je ne pense pas que j'aurais été en mesure de jouer mon rôle parce que, quand elle marche dans la pièce c'est 'Oh mon Dieu, c'est Madonna, elle est debout devant moi'. Mais en fait, elle était vraiment, vraiment adorable, et toujours gentille avec moi, toujours douce. C'était un tournage amusant, et elle était vraiment compétente. En regardant son travail, vous pouvez voir qu'elle a le meilleur goût, le meilleur regard. Le film entier a l'air superbe, et elle a embauché des gens formidables pour y travailler. »

Et loin d'être une difficile directrice, McGrath a trouvé son style de réalisation sympathique par rapport à son métier : « Elle est bien plus qu'une présence, elle est très respectueuse des acteurs et aime plaisanter, elle est très sympathique. Elle sait ce qu'elle veut, et elle obtient ce qu'elle veut mais elle est plutôt décontractée, elle connait les noms de tout le monde et on a vraiment l'impression qu'elle aime ce qu'elle fait. Vous devez avoir énormément de respect pour une femme comme ça, qui n'a pas besoin de faire un film mais qui le fait parce qu'elle veut le faire et va brillamment le faire. Vous devez respecter quelqu'un qui a déjà été la plus grande interprète mais est du genre 'Ok j'ai fait ça mais quelle sera la suite ? ' »

Comme il en va de tous les personnages historiques, Wallis Simpson n'a peut-être pas été dépeinte de la manière la plus tendre. Avec une réalisatrice à la barre, et une femme qui sait ce que c'est qu'être diffamée publiquement, devons-nous nous attendre à voir un côté différent de Mrs Simpson ? « C'est en grande partie une histoire menée par une femme », explique McGrath, « c'est très sympathique pour Wallis, c'est un autre niveau d'une très vaste histoire. Ensuite, vous pouvez décider vous-même qui est le méchant de l'histoire, ce sera un très bon film. »

Obtenir du temps en dehors des horaires de tournage de Merlin n'est pas une tâche facile et, en tant que l'un des quatre personnages principaux, et désormais l'un des méchants, Katie figure dans de nombreuses scènes. « Nous faisons 13 heures de télévision en huit mois, ce qui est énorme. Et ce sont des heures de la BBC et donc ce sont vraiment des heures pleines ! Vous renoncez à votre vie pour Merlin. Ça vaut la peine cependant. » Il y a quelques divertissements également, à côté du labeur. « Cette année est géniale parce que nous avons un groupe de chevaliers et donc il y a sept ou huit hommes très excitants qui demandent autour de l'heure du déjeuner et après, à jouer au football et ils enlèvent tout simplement le haut pour jouer, vous les voyez, il y a tellement de garçons ! Bénis soient-ils, ils sont juste comme des frères. Vous passez jour après jour avec ces superbes hommes qui sont simplement vos frères (elle croise les doigts), merde ! »

L'ascension a été fulgurante par la jeune femme de vingt-sept ans. Née à Ashford dans le comté de Wicklow où ses parents vivent encore, (son père travaille dans l'informatique et sa mère, tout en élevant Katie et ses deux frères, travaille occasionnellement pour la créatrice de mode Lainey Keogh), Katie est allée à l'école à Blackrock et a réussi à jongler entre vie à la campagne et vie citadine. Après l'école, elle a étudié l'Histoire à Trinity après quoi elle s'est essayée au domaine du maquillage et du journalisme de mode. Un passage à travailler en tant qu'assistante costumière sur The Tudors l'a conduite à une intervention fatidique quand plusieurs producteurs l'ont encouragée à essayer de jouer la comédie. Elle a gagné un petit rôle dans la saison 2 (et, selon la rumeur, le cœur de Jonathan Rhys Meyers pendant un moment) et à partir de là, elle a rapidement décroché le rôle de Morgane dans Merlin.

« J'ai obtenu le job un dimanche et j'ai déménagé à Londres le mardi. », se souvient-elle, « et le lundi suivant, j'étais sur le plateau ». Pour une période de commencement, elle n'aurait pas pu faire mieux. Le premier jour, on lui a dit de trouver sa marque et de suivre la lumière, elle ne comprenait aucun des deux. « Tous les autres étaient allés à l'école d'art dramatique, et j'étais très consciente qu'ils avaient fait leurs erreurs à l'école alors que je faisais les miennes devant la caméra. Je n'avais aucune idée de ce que je faisais. » Un baptême du feu s'ensuivit, mais heureusement l'actrice novice ne fut pas virée. Ensuite, ça l'a rattrapée..

« C'est alors que j'ai commencé à paniquer. Il a fallu un certain temps pour m'en rendre compte. Ensuite, très progressivement, la série est devenue populaire (elle a été vendue aux États-Unis au cours la la première saison), vous commencez lentement à prendre conscience de tous les pays dans lesquels elle va arriver, vous commencez à le voir et à voir ce que ça peut donner. »
« Au début, quand j'ai eu le job », continue-t-elle, « je n'arrivais pas à me projeter au delà de mon premier jour, puis du second et du troisième et désormais nous sommes quatre ans plus tard. Maintenant je travaille avec cinq brillants réalisateurs par saison, la crème de la crème des acteurs britanniques [NdT : en français dans le texte] vient juste de faire un tour pour la semaine. Vous êtes amenés à travailler avec Charles Dance, Emilia Fox joue le rôle de ma sœur, aucune formation n'est équivalente à travailler avec des personnes comme ça. Ensuite, vous avez les nouveaux jeunes brillants, Holliday Grainger (qui joue Lucrezia dans la série épique de Neil Jordan, The Borgias, s'est fait la main dans la première saison de Merlin), Asa Butterfield qui joue Mordred dans la série participe maintenant au nouveau film de Martin Scorsese. » [NdT : Hugo Cabret, dont Asa tient le rôle principal.]

Elle est bien consciente de combien la bonne fortune a joué un rôle dans son succès. « Ai-je jamais pensé que je réussirais un jour, ça ne m'est sans doute pas arrivé. Je n'ai jamais pensé que j'obtiendrais une quelconque offre, je n'ai jamais pensé que c'était possible, je n'ai jamais pensé que je le ferais, et qu'ensuite je devrais m'installer et avoir un emploi convenable. »
« Ça n'a jamais vraiment été un véritable choix de carrière », conclue-t-elle, « je ne connaissais personne qui soit acteur, cela me semblait si éloigné de ma vie. Puis tout d'un coup j'ai travaillé dans l'équipe technique sur le tournage d'un film et ça m'a semblé possible, je pouvais voir d'autres le faire. Je flippe parfois quand je pense à ce qui se serait passé si je ne l'avais pas fait, parce ce que je n'imagine pas être plus heureuse en faisant autre chose. J'aurais probablement passé le reste de ma vie à me demander ce que cela aurait pu être. »

Déménager à Londres a été un challenge au sens faire face à l'isolement initial qui a suivi. « Je suis très chanceuse, j'ai désormais quelques véritables bons amis à Londres, mais ça a pris quelques années pour construire cette relation avec eux. Au départ, à chaque fois que quelqu'un me proposait d'aller prendre un café, j'étais là à dire 'Génial, allons-y ! On peut y aller maintenant ?' J'avais tellement envie de compagnie. J'avais toujours été très timide, j'étais très solitaire au début. Londres peut être difficile. »

Trouve-t-elle que les hommes sont intimidés par son profil ? « On ne me reconnaît pas et donc je ne peux pas utiliser le côté intimidant comme excuse au fait d'être célibataire. Mais vous devez travailler à votre vie personnelle, rassembler de l'énergie, et aller danser. Hélas, j'ai deux frères ainés et ils sont dans la merde pour me présenter à des hommes. Complètement inutile. Mais honnêtement en ce moment, je ne sais pas quand j'aurais le temps, un jour quand j'aurai une vie. Vous avez besoin d'être concentrée. »

Avec son premier rôle principal en poche, interprétant Jules Daly dans le Conte de Fées Christmas at Castlebury Hall, tourné cette année en Roumanie (où elle a joué face à Roger Moore, « il est tellement gentleman, toujours à flirter avec sa femme comme des adolescents ») elle est tout simplement heureuse pour le moment de continuer à jouer la comédie et à apprendre. En ce qui concerne l'orientation de sa carrière, il y a quelques acteurs dont elle admire vraiment les choix de carrière et certains avec lesquels elle aimerait travailler. Brendon Gleeson est l'un d'entre eux.
[NdT : Brendon Gleeson est un acteur irlandais à la filmographie impressionnante, Braveheart, Gangs of New-York ou encore Harry Potter où il joue le rôle du Professeur Maugrey Fol-Œil, il est également professeur de théâtre] « Je l'adorais quand il était professeur. Vous le faites parce que vous aimez le faire et vous voulez le faire. Il est une preuve qu'on y parvient. » Sam Rockwell et Alison Jenny arrivent juste derrière. [NdT : Sam Rockwell est un acteur américain, il joue notamment le rôle de Justin Hammer dans Iron Man 2 et 3 et The Avengers.] « J'adore également ce que fait Rachel Weisz. », ajoute-t-elle, « Elle le fait intelligemment. Elle a fait des blockbusters [NdT : superproductions], elle a fait du cinéma indépendant, elle a une famille, elle a un enfant, elle a une vie tout en menant une carrière. [NdT :Rachel Weisz est une actrice et productrice anglaise, vu dans Le Retour de la Momie où elle joue le rôle d'Evelyn O'Connel ou plus récemment dans Lovely Bones. Elle est par ailleurs l'épouse de Daniel Craig alias James Bond depuis très peu de temps – ils se sont mariés le 22 juin 2011].

Vous pouvez retrouver les qualités d'une Weisz en elle, avec sa peau d'albâtre et sa cascade de cheveux noirs, mais quand elle parle et en particulier quand elle rit, c'est Keira Knightley qui est la comparaison la plus proche, quelqu'un qu'elle cite avec admiration. « J'ai vraiment du respect pour Keira Knightley. Vous ne la voyez jamais sortir, elle est très discrète, elle a sa propre vie, elle n'a pas besoin de faire du théâtre mais elle le fait parce qu'elle le veut. Les gens l'ont mitraillée et elle continue, et vous devez avoir du respect pour ça. Elle est jeune, elle n'aurait plus jamais besoin de travailler, elle n'a pas fait le prochain grand film de Disney parce qu'elle l'avait déjà fait [NdT : Après avoir tourné dans les 3 premiers volets de Pirates des Caraïbes, Keira Knightley ne participe pas au 4ème opus.] elle fait quelque chose de différent et qui représente un défi. Et donc je la respecte, elle et ce qu'elle fait, et elle s'améliore à chaque fois. Je respecte aussi mes potes qui n'en sont pas encore là. Ils vont aux auditions et s'entendent être refusés mais ils continuent à s'y rendre et je ne sais pas si je serais aussi forte. »

Au train où va la débâcle à Hollywood, elle est heureuse de ne pas avoir à faire d'interminables rencontres et souligne. « Il n'y a aucune pression parce que je suis sous contrat, je ne cherche pas vraiment de travail, je vais juste là-bas [L.A. - NdT : Los Angeles] pour le plaisir, y voir des amis, boire quelques margaritas, dire bonjour. Je ne sais pas à quel point je me réjouirais si je devais trouver un emploi en dehors. » De toute façon, elle est déterminée à tracer son propre chemin. « Je ne sais pas si je pourrais faire toutes ces mignonnes petites choses, comme (elle adopte le ton nasillard d'une Américaine du 90210) 'Oh mon Dieu !' alors que c'est plus 'Comment allez-vous, voulez-vous du thé ?' Je préfèrerais le faire à ma façon.

Elle est également parfaitement consciente que la moisson actuelle des femmes irlandaises doit maintenant faire leurs preuves tout comme leurs homologues masculins l'ont fait. « Nous avons des tas d'incroyables acteurs irlandais mais nous avons besoin d'une nouvelle Maureen O'Hara. Il est temps pour les femmes d'intervenir. Jenn Murray, Amy Huberman, elles sont brillantes.
[NdT : Maureen O'Hara est une actrice irlandaise née en 1920 qui a partagé l'affiche des plus grandes stars américaines de l'époque, comme John Wayne. Jenn Murray et Amy Huberman sont deux jeunes actrices irlandaises apparues récemment dans The Clinic.]
Vous avez peur de faire les mauvais choix. A la fin de la journée, vous pouvez juste faire ce que vous pensez être bien, écouter les meilleurs conseils que vous pouvez obtenir et plonger. Ayez le courage de vos convictions. Si vous faites le mauvais choix, c'est simplement parce que vous avez fait le bon choix de votre point de vue. Si vous jetez un regard en arrière sur chaque saison et vous dites 'Oh mon Dieu, à quoi est-ce que je pensais' mais je pense que si vous progressez chaque année, cela montre qu'au moins vous tenez compte de vos erreurs et vous apprenez d'elles. C'est la seule chose que j'attends de chaque job, que je m'améliore à chaque fois et que je continue jusqu'à devenir comme Maureen O'Hara qui déclare encore à 90 ans 'C'est encore mieux que le précédent !'. 

Irish Tatler Magazine - Juillet 2011

Crédit traduction : Locksley pour Merlin-Hypnoweb

Crédit scans : thanks to Feilongfan Live Journal