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Le Graal de la Télévison

Traduction d'un article publié par le supplément dominical du Daily Telegraph.

 

Le Graal de la Télévision

Par Will Storr – Telegraph Seven (18/09/2011)

‘Merlin’, la version branchée du Roi Arthur de la BBC, a du succès auprès d’un public de tous âges et de toutes nationalités, sans parler de françaises suffisamment âgées pour avoir mieux à faire. C’est ce qu’a découvert Will Storr.

Le légendaire Agravain – Chevalier de la Table Ronde, deuxième fils du roi Lot d’Orcanie, Lothian et Morgause, ami de Mordred et neveu du Prince Arthur, est assis dans sa caravane, il est en train de lire un livre sur les chevaux. « C’est un livre sur le Grand National [NdT : célèbre course hippique qui se déroule chaque année à Liverpool] » dit-il, « Je vais participer à Mastermind [NdT : quizz télévisé diffusé sur BBC] plus tard cette année. J’adore les courses de chevaux, j’en suis fou. »

Agravain – connu à la télévision sous le nom du DCI [NdT : Dectective Chief Inspector] Linley, aussi connu comme étant Nathaniel Parker, un acteur passé par la Royal Shakespeare Company – est présent ici pour faire ses débuts dans l’un des plus grands succès jamais remporté par une série de la BBC.

La série est décrite par Julian Murphy, l’un de ses co-créateurs comme « Merlin et Arthur avant la célébrité », on tourne actuellement la 4ème saison de Merlin, la saga diffusée à l’heure du dîner, qui va débuter le mois prochain avant d’être projetée dans 180 pays ! Aujourd’hui, les acteurs et les techniciens sont à pied d’œuvre sur le site du magnifique et imposant château de Pierrefonds en Picardie (France).

Nathaniel Parker se souvient : « J’ai reçu un coup de fil des producteurs qui m’ont demandé si je voulais le faire. Ma première pensée a été oui. » Avec sa cape noire qui lui arrive aux chevilles, la panoplie virile barbe de trois jours/ rouflaquettes, son mètre quatre-vingts et quelques et sa carrure, c’est difficile de l’imaginer jouer autre chose qu’un rôle qui déborde de testostérone. Ceci lui pose parfois des problèmes quand il a envie de frimer devant ses filles âgées de 12 et 14 ans.

« Je venais de tourner le téléfilm Injustice, et elles ont seulement vu le 1er épisode, dans lequel je ne figure pas. » dit-il. « Et puis je me suis dit – je ne peux pas les laisser en voir plus parce que j’enlève les vêtements d’une fille avec les dents. »

Tout ceci a encore augmenté la joie du Papa, lorsqu’on lui a proposé un rôle important dans Merlin. « Je suis passé les prendre à l’école » dit-il, «  je conduisais et je leur ai demandé quel serait selon vous le meilleur rôle que je pourrais décrocher ? Elles m’ont toutes les deux  répondu Merlin. Elles étaient tellement excitées parce que tous leurs copains regardent Merlin ».

La popularité de Merlin auprès des adolescentes n’est pas vraiment étonnante, étant donné que la série se concentre sur de jeunes damoiseaux qui combattent sur des scénarios aussi légers que ceux des soaps, aidés par quelques ancêtres tels que Richard Wilson, Anthony Head et John Hurt. [NdT : merci pour eux !]. Une sorte de rencontre entre Doctor Who, Dragons et Donjons et Neighbours [un soap australien qui a connu un grand succès international]. Merlin a été commandé en 2006. A l’époque, Peter Fincham qui était alors le ‘controler’ [NdT : responsable] de BBC One  le décrivait comme la « télé 3 générations, celle que vous pouvez regarder avec vos enfants et vos grands-parents ». La série était destinée au départ à remplir le vide en forme de Tardis laissé par l’absence du Doctor Who de l’antenne. Merlin a dépassé toutes les attentes. C’est maintenant l’une des meilleures ventes à l’export et c’est la seule série de la BBC diffusée sur un grand réseau [hertzien] américain [NBC].

A l’extérieur de la caravane d’Agravain, au bout d’un sentier boueux, au-delà des toilettes mobiles et des tentes dans lesquelles des costumières rangent dans des caisses  différentes sortes de cottes de maille enveloppées de plastique et méticuleusement étiquetées, on trouve le plateau. Aujourd’hui on filme un tournoi. Sur une estrade assez haute, le réalisateur Justin Molotnikov est en conversation avec DaleMcCready le chef opérateur. A leurs pieds, au niveau du sol, deux des vedettes de la série – Bradley James/ Artur et Santiago Cabrera/Lancelot – resplendissent dans leurs armures qui scintillent au soleil. Ils sont en train de taquiner un autre acteur – Rupert Young, qui joue le rôle de Sir Leon et qui git par terre le visage dans le sable, sans doute parce qu’il vient d’être désarçonné de son cheval.

« Est-ce que tu veux que je te projette un peu plus de sable sur le visage pour la prochaine prise ? » lui demande Bradley/Arthur avec un large sourire. Le chevalier étalé face contre terre, recrache les grains de sable qu’il a entre les dents, secoue la tête et répond de façon cinglante : « Tu sais, tu es vraiment dégoûtant. »

A l’écart de ces blagues entre garçons, la jolie Angel Coulby – une Guenièvre tout en sourire, en taches de rousseur et en boucles abondantes – est profondément plongée dans la lecture d’un polar, elle tient fermement dans la main droite le ticket de train qui lui sert de marque page tout en lisant le texte. C’est The Dying Light, un livre de Henry Porter. « Ça ne me passionne pas vraiment, dit-elle mais je m’accroche malgré tout. »

Jouer le personnage romantique central dans une série, qui rien qu’en Grande-Bretagne attire près de 8 millions de téléspectateurs, signifie qu’elle est maintenant fréquemment reconnue. « J’assistais au mariage de mon cousin dans le Surrey pendant le week-end et une femme est venue me voir et m’a dit « Angel, on revient juste du château de Pierrefonds ». Je lui ai répondu « Oh c’est bizarre, qu’êtes-vous allés faire là-bas ? » et elle a répondu « on est allé voir le tournage ». J’étais… (Elle fait une grimace effrayée) et maintenant vous êtes ici ? »

Les gens font donc vraiment le voyage pour assister au tournage de Merlin. Depuis l’endroit en hauteur où est assise Angel, on a une bonne vue des environs du château par-dessus le mur , là on peut voir des gens assis en ligne sur un talus couvert d’herbe, scrutant ce qui se passe (ou pas) sur les écrans LCD de leurs petits appareils photos.

Dans ce groupe d’une trentaine de personnes, se trouvent des fans mono maniaques qui viennent d’un peu partout en Europe de l’Ouest. Il y a Silke, une étudiante allemande, et Aurore, qui est fonctionnaire en France, toutes les deux vont passer presque toute la semaine assises sous un arbre. Elles prennent des photos du tournage, qu’elles vont poster sur internet, en prenant garde de ne surtout rien dévoiler des intrigues. Sous l’arbre voisin se trouve Nadine qui vient de Stuttgart. « Ça fait 2 ans que je suis fan de Merlin » dit-elle, « Je suis ici avec mon mari. Lui ça ne le passionne pas autant que moi. » Elle se dirige vers un allemand qui fait la tête appuyé contre un chêne. « J’ai commencé à adorer ça, et lui, il a été obligé de regarder. Ce sont nos vacances. C’est la 2ème fois cette année. » Le mari de Nadine nous jette un regard impénétrable. Il contemple ses pieds et il soupire. « La dernière fois poursuit-elle toute guillerette, on a ramené 2500 photos. »

Sur le plateau en contrebas, il y a une personne que même le fan plus acharné serait pardonné de ne pas reconnaître, c’est Julian Murphy. Il a beau avoir le comportement discret et lisse d’un comptable, en fait, c’est Dieu. Co-créateur et scénariste en chef de la série, Julian Murphy dirige le département fiction de Shine, la société productrice de Merlin. C’est lui, qui en compagnie de Julian Jones et Johnny Capps les autres créateurs, est arrivé avec l’idée, l’a proposée à la BBC et s’est battu pour obtenir un budget suffisant. (Julian Murphy raconte que le chèque de la BBC ne couvre pas la totalité du budget du programme qui coûte cher à produire – plus cher que quelque chose comme Spooks [NdT : la série MI-5]). Alors que des scénaristes payés à la tâche sont embauchés pour écrire les dialogues, ce sont Julian et Johnny qui ont le dernier mot ce sur ce qui va arriver à Arthur, Merlin, Gwen et compagnie. Ça semble amusant.

« Euh, ça l’est et ça ne l’est pas » répond Julian Murphy de façon circonspecte. « La plus grande difficulté est au niveau du ton. C’est l’équilibre entre l’humour, l’action et le divertissement d’un part, et le côté ténébreux et effrayant d’autre part. Vous pouvez avoir quelque chose de drôle sur le papier, une fois que vous avez mis des gens en costumes avec des tentes autour, vous franchissez très, très rapidement la ligne qui vous sépare de Monty Python. Il blêmit légèrement à cette idée. « Il y a certains types de tentes que j’interdis. A l’époque, les tentes ressemblaient à ces petits trucs pointus.  Elles sont bannies. Elles font trop Monty Python. »

Plus tard, Bradley James est dans sa caravane, allongé sur une banquette, le dos endolori à cause de l’armure, un script à la main. Cette tanière sur roues offre à l’acteur non seulement un endroit où il peut se recentrer sur l’intrigue mais aussi un refuge qui lui assure en général un minimum detranquillité si précieuse. Quelques temps auparavant, à l’extérieur,  deux françaises d’âge mûr cigarette au bec, avec des lunettes de soleil voyantes et des bottes de cuir à talons hauts (vernies noires pour l’une et rose vif pour l’autre) ont déambulé sur le plateau et demandé le numéro de téléphone de Bradley à l’un des membres de l’équipe. Celui-ci, méfiant, leur a répondu qu’elles devaient passer par le producteur. En réponse, la femme aux bottes roses a encaissé, écrasé sa clope avec son talon aiguille et a répondu « d’accord » d’une voix dédaigneuse.

« On ne peut pas condamner l’accès au château car il fait partie des Monuments Historiques [NdT : équivalent anglais English Heritage] » explique la cible de ces cougars terriblement françaises. « Vous ne pouvez aller nulle part tout seul parce que ça grouille ».

Dans la caravane voisine, c’est le sorcier lui-même qui vient d’arriver. La présence de Merlin n’est pas nécessaire aujourd’hui sur le plateau et Colin Morgan est là en jeans et avec un t-shirt  qui vante la gloire de rien moins que le très cool groupe de rock indie américain The Postal Service. «Je suppose que c’est un peu bizarre» déclare-t-il à propos de ces fans inhabituellement pressants. «Vous savez, ça ne coûte rien de sourire. Mais parfois vous vous retrouvez en tête-à tête avec eux et vous sentez piégé.»

Que veulent-ils ? «Juste vous dire que ce que vous faites est bien » insiste-t-il. «Ce n’est jamais méchant ou insultant».

A l’instant où on quitte la caravane, un membre de l’équipe tend à Colin Morgan une enveloppe A4 couverte de photos de lui. «Quelqu’un dehors m’a demandé de te donner ça» lui dit l’assistant. Colin Morgan regarde l’enveloppe nerveusement puis dans ma direction. «Oh» répond-il. Il y a un silence. Je lui demande : «Est-ce que vous allez la prendre ?»Il prend l’enveloppe avec réticence et la tient sur le côté. Il me sourit avec circonspection. «Est-ce que vous allez l’ouvrir ?»  Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit à l’intérieur», répond-il.

Je pense qu’il y a quelque chose. Il glisse le pouce sous le rabat collé et jette un bref coup d’œil à l’intérieur.  "Oh ! Il y a une lettre !" Soit il est réellement surpris, soit c’est un très bon acteur. «Je pense que je la lirai plus tard. »

 

Traduction Realbion pour Merlin-Hypnoweb

Crédit scans :  Merlin_Network

Ecrit par realbion 
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